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POURQUOI NOUS NE SOMMES PAS RÉPUBLICAINS

mercredi 29 mai 2013, par Secrétariat jeune


Le mot République vient du latin respublica, « chose publique ». Très peu de constantes caractérisent un système républicain. Entre l’Union des républiques socialistes soviétiques de 1917 et la Cinquième république française, il y a peu de ressemblances !

La république que nous connaissons en France est un régime politique dans lequel la transmission du pouvoir s’effectue par la seule pratique du vote, censée assurer la légitimité des gouvernants. Pourtant, notre pays n’a jamais été aussi riche et les inégalités n’ont jamais été aussi grandes.

Sur les 225 ans qui nous séparent de 1789, la République n’a régné que 135 ans. L’histoire ne s’est pas arrêtée à la Révolution. La lutte des classes s’est poursuivie, entre la nouvelle et l’ancienne classe dominante, et plus encore celui entre celles-ci et les classes populaires.

La République, un instrument de domination et d’exploitation

Dans Le 18 brumaire de Louis Bonaparte, Marx montre que la naissance d’une « république sociale » n’est pas possible en 1848, lors du renversement de la monarchie. Le prolétariat, insuffisamment organisé, doit d’abord s’allier avec la petite bourgeoisie. Celle-ci le trahit rapidement, la répression républicaine est sanglante. L’histoire de la Seconde république c’est celle d’une lutte des classes qui va dans le mauvais sens. Après que le prolétariat a été écrasé par la petite bourgeoise, celle-ci l’est par le « parti de l’Ordre », l’union des classes possédantes. Le Second empire cherche à faire un compromis entre les propriétaires fonciers (la vieille noblesse), la bourgeoisie marchande et la jeune bourgeoisie industrielle.

Après son échec, les classes possédantes s’unissent toutefois derrière la Troisième république, notamment pour écraser la Commune de 1871, première expérience de pouvoir démocratique ouvrier. Les républiques sont avant tout les produits de l’affrontement des classes. Être « républicain » ne signifie rien en soi. La République française est l’instrument de domination de la bourgeoisie. Nous sommes les premiers à dénoncer dans la Cinquième république un régime particulièrement antidémocratique, son hyper-présidentialisme, le gouffre incommensurable entre les actes de nos élites dirigeantes et la volonté du peuple...

Mais en exiger une sixième, sans remettre en cause l’organisation économique, la propriété privée des moyens de production, le droit de ceux qui la possèdent à vivre du travail des salariés, c’est se placer dans la continuité des précédentes.

« La société bourgeoise moderne, élevée sur les ruines de la société féodale, n’a pas aboli les antagonisme de classes, elle n’a fait que substituer de nouvelles classes, de nouvelles condition d’oppressions, de nouvelles formes de luttes à celles d’autrefois » (Marx et Engels, Le Manifeste du Parti Communiste, 1848)

Certains prétendent que, depuis la Révolution de 1789, l’« égalité républicaine » est acquise. L’idéologie de la « méritocratie » fait croire que, contrairement à l’Ancien régime fondé sur l’hérédité, tout le monde peut désormais entreprendre, s’enrichir et participer aux décisions politiques.

Non seulement cette vision consiste toujours à justifier l’existence d’inégalités, de l’exploitation d’une minorité par une majorité... Mais elle est en plus hypocrite : l’héritage existe encore, les plus fortes rémunérations sont celles du capital, le capitaliste possède toujours le pouvoir de couper tout revenu au travailleur en le licenciant... Son revenu provient de l’extorsion de la richesse créée par les salariés. Où est donc le mérite ?

Quand Jean-Luc Mélenchon et ses camarades, affublés de bonnets phrygiens et de drapeaux tricolores, veulent « refaire une nuit du 4 août », ils oublient ce qu’a été cet événement historique. La noblesse n’a pas abandonné ses propriétés sans être largement indemnisée. Pour voir les droits féodaux abolis, les paysans ont dû les racheter en payant trente fois le prix d’une année entière de taxe !

Certes, l’abandon des privilèges par la noblesse est un progrès historique, de même que le passage de la monarchie à la république ou du féodalisme au capitalisme. Mais ce passage ne peut être considéré comme un aboutissement dans la lutte pour l’émancipation de l’humanité.

La république coloniale et raciste

La création de la République a permis à la nouvelle classe dominante, la bourgeoisie, d’organiser la société selon ses intérêts. L’affirmation de l’unité nationale était nécessaire à la création d’un marché national pour l’expansion de l’économie capitaliste. Aujourd’hui, son rôle est de limiter les droits sociaux aux frontières, de diviser les travailleurs par la xénophobie et le chauvinisme...

En s’affirmant comme « le » système universellement supérieur, la République se permet d’intervenir aux quatre coins du monde pour « apporter la civilisation ». Au dix-neuvième siècle, elle le faisait avec un discours ouvertement raciste. Le grand républicain Jules Ferry expliquait en 1885 à l’Assemblée nationale que « les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures ».

Aujourd’hui, les politiciens n’osent plus utiliser de tels termes. Mais le paternalisme est toujours de mise quand il s’agit de justifier le pillage de l’Afrique par les multinationales françaises. Sarkozy expliquait que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire. » Hollande a lancé une guerre coloniale au Mali pour assurer l’approvisionnement d’Areva en uranium...

Pendant ce temps, les sans-papiers qui travaillent en France sont toujours pourchassés par la police de Valls. Quand la République française en avait besoin, elle allait chercher de la main d’œuvre en Afrique. Depuis les années 1970, elle multiplie les lois anti-immigrés. Autrement dit, la France a le droit de faire la loi dans les pays les plus pauvres, mais leurs ressortissants, eux, n’ont pas le droit de venir ici. Et s’ils sont acceptés, on les exhorte à s’« intégrer », on stigmatise leur culture et celle de leurs ancêtres. La police, les employeurs ou les médias s’appliquent chaque jour à leur rappeler qu’ils ne sont pas ici « chez eux ».

« La démocratie bourgeoise accordait aux masses laborieuses une apparence de contrôle politique sur ses dirigeants grâce au bulletin de vote. Tant que cela ne lui était pas nuisible, la bourgeoisie a permis cette démocratie. Mais elle n’a jamais permis l’ombre même d’un contrôle sur sa gestion économique, sur la base de son exploitation, qui aboutit à l’anarchie, la faillite et la misère des masses. » (programme d’action de la Ligue Communiste, 1934)

Le programme politique du Front de gauche (FDG) est symptomatique des illusions qui persistent dans la République. Certaines revendications portées par le FDG peuvent sembler proches de celles du NPA : baisse du temps de travail ou de l’âge de départ à la retraite, SMIC a 1700 euros (brut pour le FDG, net pour le NPA), etc. Mais ces propositions se limitent à ce qui serait acceptable pour le système et la classe dominante. Mélenchon souhaite un « revenu maximum fixé à 360 000 euros par an ». Cette proposition, maintiendrait le fonctionnement du système et les inégalités, en les diminuant un peu. Elle donne l’illusion que le pouvoir institutionnel aurait un réel impact sur l’économie.

On peut pourtant lire dans le préambule de la Constitution : « La loi garantit à la femme (...) des droits égaux à ceux de l’homme. (…) Chacun a le droit de travailler et le droit d’obtenir un emploi. » Ces phrases pourraient prêter à rire s’il ne s’agissait pas de la vie de millions de personnes. Les hommes perçoivent en moyenne un salaire supérieur de 24,5 % à celui des femmes. Plus de 3 millions de travailleurs et de travailleuses sont privés d’emploi...

Il est légitime de ne plus faire confiance à ceux qui promettent l’égalité dans un cadre politique républicain. Il suffit d’observer le glissement à droite du PS depuis trente ans, ou d’écouter Moscovici qui considère que la finance est le « poumon de la puissance économique des pays européens ».

« Tout va très bien pour les riches dans ce pays, nous n’avons jamais été aussi prospères. C’est une guerre de classes, et c’est ma classe qui est en train de gagner » (Warren Buffet, troisième homme le plus riche du Monde, mai 2005)

L’histoire à démontré que la bourgeoisie, elle, se battra toujours pour rester la classe dominante, en changeant de régime politique s’il le faut. Plus d’une fois, les capitalistes d’un pays ont préféré mettre fin à la démocratie plutôt que de voir des gouvernements démocratiquement élus mettre en péril leur pouvoir. Nous ne ferons pas céder la classe dominante par la pression des urnes...

Le changement social ne passera que par la révolte des travailleurs. Pour que de véritables mesures politiques soient prises envers notre camp social, il faut que nous allions nous-même les chercher, en gagnant du terrain dans le rapport de force avec les capitalistes. C’est donc dans le cadre d’une démarche transitoire, ayant pour but final la disparition du capitalisme, que les mesures sociales que propose le NPA doivent être mises en œuvre et défendues. Nous proposons l’interdiction de tous les licenciements, la socialisation de tous les outils de production, c’est-à-dire leur nationalisation sous contrôle des salariés et de la population. Ce sont des mesures d’urgence pour les travailleurs et les jeunes face à la crise du capitalisme et c’est en se battant pour elles qu’ils s’affronteront au cœur du capitalisme.

De telles mesures ne pourront être mises en œuvre que par un gouvernement des travailleurs, issu de leurs luttes et sous leur contrôle, en rupture totale avec l’État et ses institutions, c’est-à-dire la République française.

Ana, Charles, Édouard et François (Comité jeunes Bordeaux)

Chronologie de la République française

1789 : Révolution française

1792-1804 : Première république (1799 : coup d’État du 18 brumaire de Napoléon Bonaparte)

1804-1814 : Premier empire

1814-1848 : restauration monarchique (1830-1848 : monarchie de Juillet, constitutionnelle et bourgeoise)

1848-1852 : Deuxième république (juin 1848 : insurrections de Juin, répression et fin de la « république sociale »)

1851 : coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte

1852-1970 : Second empire

1870-1940 : Troisième république (18 mars 1871 – 28 mai 1871 : Commune de Paris)

1940-1944 : régime de Vichy

1944-1946 : gouvernement provisoire

1946-1958 : Quatrième républiques

1958 : putsch d’Alger par les généraux contre l’indépendance de l’Algérie, coup d’État contre la Quatrième république

1958-... : Cinquième république